22 juin 2022

Réforme de l’ENA : L’EN3S a participé à la création d’un tronc commun

Le tronc commun se développe autour de cinq enseignements, portés par plusieurs écoles. Il se déploie via des séquences obligatoires d’apprentissage asynchrones et à distance, pour être « praticables » à court terme.
L’annonce de la création de l’Institut national de service public (INSP, ex-ENA) et d’un tronc commun, auquel sont intégrés les élèves de la formation initiale de l’EN3S, s’inscrit donc dans la continuité de ce décloisonnement et constitue une réelle opportunité de sensibilisation à la protection sociale auprès de l’ensemble des futurs dirigeants des services publics.

L’IMPORTANCE DU TRONC COMMUN

Pour Dominique Libault, « l’instauration d’un tronc commun des écoles du service public représente une évolution importante tant pour la formation des cadres dirigeants du service public que pour l’EN3S.
Pour les cadres dirigeants :
– Par la concrétisation d’une formation partagée entre futurs diplomates, magistrats, policiers, directeurs d’hôpitaux, directeurs de caisses de sécurité sociale…, les pouvoirs publics affirment à travers la formation la nécessité de dirigeants qui se connaissent, se parlent et partagent des référentiels communs.
– Par le choix des thèmes au cœur de ce tronc commun : valeurs de la République, transition écologique, transition numérique, rapport à la science, inégalités et pauvreté.
Les pouvoirs publics affirment que ce qui est attendu des futurs dirigeants du service public, ce n’est pas seulement des capacités opérationnelles, mais aussi la capacité de situer son poste et ses responsabilités par rapport aux défis majeurs de l’action publique et de l’évolution de nos sociétés. Pour piloter aussi par le sens. Ceci est un message pour tous les cadres dirigeants du service public.
Pour l’EN3S, l’insertion dans ce tronc commun amène :
• À faire évoluer la formation initiale, dans son contenu, ses modalités, sa construction
• À assumer une fonction de conception de module pour l’ensemble des écoles, en l’occurrence inégalités et pauvreté
• À construire de nouveaux liens avec tout en partie des écoles du service public, pour permettre de véritables échanges entre élèves, au-delà des formations partagées en ligne.
C’est notamment à travers une collaboration renforcée entre les équipes de la formation initiale et celles de la recherche que l’EN3S a relevé ce nouveau défi et continue à faire évoluer le tronc commun au sein de la formation initiale. »

L’EN3S A PARTICIPÉ À L’ÉLABORATION DE L’ENSEIGNEMENT « INÉGALITÉS ET PAUVRETÉ »

Pour Marco Geraci, responsable coordonnateur de la recherche à l’EN3S     « Cet enseignement a pour objectif de revenir sur les principales connaissances et méthodes relatives à la pauvreté et aux inégalités. Il vise, également, à construire des repères partagés sur ce que sont aujourd’hui les contenus, les outils et les évaluations des politiques contemporaines de lutte contre la pauvreté et les inégalités. Il constitue, enfin, un socle commun de connaissances, pour de futurs dirigeants du secteur public, en ce qui concerne la pratique des politiques publiques en ces matières.
Il s’organise en six modules qui mêlent, d’une part, rappels et apports de connaissances (pour une mise à « niveau commun »), et, d’autre part, analyses de cas (pour insister sur l’actualité des politiques publiques). Ils sont conduits par un coordonnateur – une coordonnatrice avec, en fonction des sessions, des interventions plus spécialisées. Concrètement, ces six modules ont pour thèmes :

1. Mesurer la pauvreté et les inégalités en France et dans le monde – coordination de Valérie Albouy, cheffe du département des ressources et des conditions de vie des ménages, Insee
2. L’égalité des chances et la mobilité sociale – coordination de Clément Dherbécourt, chef de projets sur les questions d’inégalité, de mobilité sociale, et de transmissions intergénérationnelles, France Stratégie
3. La protection sociale contre la pauvreté et les inégalités – coordination de Julien Damon, conseiller scientifique de l’EN3S
4. La place des questions d’emploi, d’insertion et d’accompagnement – coordination de Selma Mahfouz, ancienne directrice de la DARES, IGF
5. Les inégalités territoriales – coordination de Marie-Caroline Bonnet-Galzy, IGAS
6. Visages et perspectives de la pauvreté et des inégalités – coordination de Julien Damon, conseiller scientifique de l’EN3S

« Inégalités et pauvreté » se situent, de fait, en bonne place des problématiques à traiter pour la réalisation d’une République sociale et des différents volets du triptyque républicain. Sujets fondamentaux aux multiples facettes, ils font l’objet de nombreuses politiques et de priorités répétées de l’action publique. Ils s’inscrivent très légitimement dans un tronc commun de formation pour les futurs dirigeants du secteur public.

Cela va être un atout pour la carrière des élèves car, à l’issue de cet enseignement, ceux-ci devront avoir saisi ce que font les institutions auxquelles ils se destinent et, surtout, ce qu’elles pourraient mieux faire ensemble. Des renvois vers les enseignements délivrés au sein des autres axes du tronc commun (notamment “Valeurs de la République” et “Transition écologique”) sont proposés, afin de favoriser la construction d’une pensée transversale chez les élèves des écoles de service public.
Finalement, l’objectif est que les élèves puissent disposer des clés d’action concrètes pour agir contre la pauvreté et les inégalités : tous les futurs dirigeants publics, dans leurs responsabilités variées, seront, d’une manière ou d’une autre, confrontés à ces problématiques. Pouvoir les appréhender, y être préparé, sera un atout essentiel pour leur vie professionnelle, et au-delà. »

L’INTÉGRATION DU TRONC COMMUN DANS LA FORMATION INITIALE

« L’intégration du tronc commun à la scolarité a demandé une grande attention et un travail important des équipes de la direction de la formation initiale », explique Laëtitia Jeanjean, directrice de la formation initiale à l’EN3S. « En effet, le tronc commun des écoles de service public représente 60h d’enseignements supplémentaires qu’il a fallu intégrer à une scolarité déjà dense pour les élèves en formation initiale.
La Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) et les écoles de service public ayant retenu le principe du distanciel pour cette première version du tronc commun, conçue pendant la période de crise sanitaire, notre attention s’est portée sur la nécessité de contextualiser les vidéos mises à disposition en proposant des conférences introductives en présentiel ou des interventions de professionnels. Ce fut le cas notamment pour le module « Valeurs de la République » pour lequel deux professionnels (un directeur d’organisme de Sécurité sociale et une directrice régionale du CNFPT) ont pu partager leurs expériences de terrain avec les élèves sur la question des valeurs du manager du service public.
Nous avons également fait le choix de dérouler le tronc commun sur les 18 mois de scolarité en proposant des séquences perlées, et articulées au mieux avec les enseignements existants.
Ainsi, la conduite de projet numérique a été intégrée au module « Transition numérique » et constitue un exercice pratique pour les élèves.
L’EN3S a également souhaité, pour prolonger le tronc commun et lui donner une dimension en présentiel, organiser des conférences communes avec certaines écoles de service public. La première s’est déroulée début avril, elle était organisée avec l’École des hautes études en santé publique (EHESP) autour de la thématique de la coordination et des parcours de soins visant à réduire les inégalités en santé, elle a réuni les élèves de plusieurs filières de l’EHESP ainsi que les deux promotions de l’EN3S. Une autre conférence organisée en collaboration avec l’Institut National des Études Territoriales (INET) est prévue en fin d’année 2022.
Enfin, des travaux collectifs entre les élèves des écoles de service public en complément du tronc commun sont prévus. Il s’agit d’organiser des rencontres et ateliers de co-développement entre les élèves de différentes écoles sur le territoire de leurs stages respectifs. Les élèves de l’EN3S pourront ainsi travailler avec leurs collègues de l’INSP (ex-ENA) et de l’INET sur le territoire de leur stage d’encadrement en octobre prochain.
Cette première édition du tronc commun donnera lieu, début d’année 2023, à un bilan partagé afin de faire évoluer au mieux ce socle commun d’enseignements visant à développer une culture commune entre écoles de service public et à favoriser le travail partenarial. »

LA PRÉPARATION DE L’ENSEIGNEMENT « TRANSITION ÉCOLOGIQUE »

« Lors du pilotage de la préparation de cet enseignement, plusieurs objectifs et compétences pour les futurs dirigeants de services publics ont été fixés », explique Yann Kervinio, dL’Ecole des Ponts ParisTech (ENPC) et chercheur associé au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED). « Le module a été conçu dans une démarche compétence. En effet, un travail en amont a permis d’identifier les contours d’une culture commune et les compétences susceptibles de renforcer la capacité du public visé, dans toute sa diversité, à appréhender et intégrer les enjeux écologiques dans leur activités futures. De ce fait, deux blocs de compétences ont été identifiés :
1. La capacité à appréhender ces enjeux, par exemple à être capable d’expliquer les enjeux de biodiversité ou d’adaptation au changement climatique dans une diversité de contextes mais aussi de comprendre en quoi la transition écologique appelle à des transformations profondes dans l’ensemble des activités.
2. La capacité à intégrer ces enjeux dans les contextes d’activité futurs de ces publics, à savoir la conception et la mise en œuvre des politiques publiques et la gestion des organisations.

Dans cette démarche, la construction des compétences passe par l’acquisition de connaissances jugées critiques pour être compétent et des mises en situation à travers des ateliers et des études de cas.

Le tronc commun est effectif depuis la rentrée universitaire 2021 et est décliné par les écoles selon les calendriers de scolarité. L’enseignement représente 21 heures de formation (temps de travail personnel compris). Il est conçu de manière à offrir la flexibilité nécessaire pour s’intégrer dans la diversité des maquettes pédagogiques des écoles concernées. Il articule des enseignements asynchrones en ligne (les leçons) et des ateliers qui peuvent être déclinés en face à face pédagogique ou à distance. Pour ces derniers, le face à face est encouragé mais demande plus de travail d’organisation par les écoles qui mettent en œuvre l’enseignement. Le lien avec les autres modules pourra être renforcé dans le cadre de l’amélioration continue de celui-ci.

Ce tronc commun a, du moins dans un premier temps, subi de nombreuses et fortes contraintes qui limitent les interactions entre les étudiants des différentes filières : enseignements à distance et « asynchrones » (diligentés sur des périodes différentes en fonction des calendriers des écoles). En l’état, ce module contribue à façonner une culture commune au sein des cadres supérieur du service publique. L’enjeu de faire se rencontrer les publics de différentes écoles constitue assurément un axe d’amélioration pour l’avenir. Une piste que nous avions envisagée était d’organiser des conférences au cours desquelles les élèves de différentes écoles pourraient se rencontrer. Cela est compliqué du fait de la répartition géographique des écoles et aurait peut-être plus de sens au niveau du tronc commun dans son ensemble plutôt que de ce seul module.
On peut aussi souligner que la flexibilité offerte permet à des écoles qui le souhaiteraient de mutualiser certaines séquences pour mélanger les publics.
En plus de ces modules, un projet collectif constitue justement un moment d’échange entre les élèves. C’est notamment dans ce cadre que différents publics peuvent se rencontrer.

Enfin, l’enseignement a été conçu de manière à être évalué. Nous y recueillons les retours des élèves, mais pouvons aussi évaluer l’acquisition de connaissances jugées critiques pour être compétent sur ces sujets. Les premiers retours des élèves soulignent l’intérêt des séquences en présentiel, un point fort, mais aussi la densité du module sur laquelle il nous faudra travailler. Ce travail de fond sur les contenus sera à envisager dans la durée. Le module pourra faire l’objet d’une amélioration continue sur la base de ces retours et dans le cadre qui sera mis en place par l’INSP. »

LA POSSIBILITÉ DE PARTAGER UNE CULTURE COMMUNE

Après plusieurs semaines d’enseignements, un élève de la 61ème promotion de l’EN3S témoigne de son expérience du tronc commun.

Florent Pénide (élève externe) « Le dispositif de tronc commun répond à un souhait que j’avais déjà avant mon entrée à l’EN3S : avoir la possibilité de partager une culture commune avec l’ensemble des étudiants. En effet, le processus de sélection par concours est très sectoriel. La plateforme mentor a ceci d’appréciable qu’elle nous place tous sur un pied d’égalité – que l’on soit expert ou non – sur des thèmes transversaux. En outre, les sujets abordés dépassent les questions de techniques administratives au profit de questions d’avenir et nous placent réellement face à des doutes, des problématiques qui seront autant de choix à faire lorsque nous serons en poste. Le format MOOC est, de fait, adapté à la pluralité des emplois du temps que nous avons et les vidéos didactiques ou de partages d’expérience m’ont particulièrement plu. Toutefois, la charge de travail que demande ce tronc commun est assez peu réaliste si l’on souhaite prendre connaissance de tous les documents et s’imprégner des thématiques avant de répondre aux questionnaires, dans les temps d’autonomie qui nous sont accordés. Malgré cela, j’ai appris beaucoup de choses sur des sujets qui me semblaient évidents, particulièrement au travers des ateliers menés en sous-groupes ou durant les quelques lectures complémentaires qui nous sont proposées. Au travers de projets et ateliers avec les intervenants et autres étudiants de l’EN3S, j’ai beaucoup plus appris du métier que par le contenu même des cours. J’en déduis que le projet de tronc commun ne sera abouti que lorsque nous, étudiants, pourrons expérimenter ces échanges informels. D’ici là, l’enthousiasme ne me quitte pas. »

 

Pour en savoir plus sur la formation « Dirigeant d’un organisme de protection sociale ».