26 mai 2020

Hommage à Jean-Jacques Dupeyroux

Jean-Jacques Dupeyroux , qui vient de nous quitter à 90 ans, a été le grand maître incontesté de la Sécurité sociale à l’université française.

Son magistère commencé dans les années 60 s’est étendu jusqu’aux années 2010 avec les éditions successives du fameux précis Dalloz, bréviaire de générations d’étudiants (aujourd’hui repris par Michel Borgetto et Robert Lafore) et l’animation de la revue Droit Social qu’il n’a abandonné qu’il y a quelques années.

Par ses innombrables articles, sa relecture (crainte par beaucoup, car il était exigeant sur la lisibilité des textes et la rigueur des raisonnements) des articles de droit social, il a eu une influence considérable sur l’analyse et le développement de la Sécurité sociale.

Trois exemples entre mille: c’est à lui que l’on doit la fameuse typologie entre régimes bismarckiens et beveridgiens, c’est lui qui souffla à Michel Debré en 1960 l’intérêt d’une école des dirigeants de la Sécurité sociale: le CNESS devenu EN3S, c’est à lui que fut confié par Claude Evin en 1989 une mission sur un concept que j’avais proposé à ses conseillers, une cotisation sociale généralisée, qui allait prendre corps en 1990, sous forme de CSG.

Ce fut d’ailleurs pour moi l’occasion de rencontrer Jean-Jacques Dupeyroux car je l’assistais dans sa mission et le début d’une conversation qui ne devait s’interrompre qu’avec son décès.

Jusque dans ses dernières années, il était un causeur, un épistolier,un bretteur infatigable.

Sa cause avant tout: les droits des personnes les plus fragiles, les plus vulnérables, les prisonniers notamment, qu’il défendait face aux institutions avec de longs courriers de son écriture reconnaissable entre toutes (il ne s’était jamais mis à l’ordinateur).

Son savoir académique, il le mettait au service des personnes les plus cassées de notre société.
Son exigence intellectuelle et morale ne le rendait pas toujours commode et on ne compte plus les fâcheries avec ses ex-collègues.

A la fin ses visiteurs, à son domicile avenue du Maine, se faisaient rares.

Mais c’était toujours un  plaisir d’entendre ce conteur exceptionnel, qui avait connu ou correspondu avec tant de gens, doté d’une mémoire exceptionnelle, qui était une mémoire vivante de la Sécurité  sociale française et doté d’une finesse d’analyse incomparable.

C’est une très grande perte pour la protection sociale française.

 

Dominique Libault