24 mars 2021
Lancement de la nouvelle chaire territoires et protection sociale
Convaincus de la nécessité de repenser les modes et les échelles d’intervention de la protection sociale à partir des territoires, l’EN3S et l’IEP de Lyon créent une chaire « Protection sociale et territoires ». Gilles Nezosi, directeur de la formation continue et Pierre Mayeur, directeur général de l’OCIRP précisent les enjeux de cette 5e année de spécialisation destinée à de futurs cadres dirigeants.
Pourquoi créer une chaire liant Territoires et Protection sociale ?
Gilles Nezosi : Nous sommes partis d’un constat : la nécessité pour la protection sociale de réinvestir le territoire en le positionnant au cœur de son action. Ce n’est pas si évident. En effet, lorsque l’on observe la construction de la Sécurité sociale par exemple, elle a eu vocation à proposer une protection de masse dans une logique professionnelle avec un accès via les cotisations. Par définition, les prestations étaient uniformes d’un bout à l’autre du territoire amenant, de facto, à en nier les spécificités. Cette situation est bien entendu différente
pour d’autres acteurs de la protection sociale comme les collectivités territoriales par exemple dont le périmètre d’intervention est celui du territoire.
Pour autant, l’approche est également situationnelle – handicap, précarité, perte d’autonomie – et moins territoriale. La crise des gilets jaunes mais aussi la pandémie ont changé la
donne. Les habitants se sentent abandonnés dans leurs territoires et ne supportent plus de ne pas avoir « accès » aux soins, aux services, etc. Les professionnels, contraints et forcés, ont redécouvert l’importance d’une action territoriale coordonnée durant la crise de la COVID. Notre réflexion initiale, antérieure aux crises des gilets jaunes et de la COVID, a donc été confortée !
Pierre Mayeur : Nos politiques publiques sont structurellement complexes. Chaque acteur, chaque collectivité ou chaque réseau est souvent persuadé qu’il est au fond le seul légitime
à intervenir. Et c’est un réflexe « patriotique » parfaitement compréhensible. L’intérêt de la notion de territoire, c’est se placer résolument à côté ou du côté des personnes. Comment
fonctionne concrètement telle ou telle politique publique, tel ou tel dispositif, telle ou telle aide ? quelle appropriation par les acteurs de terrain ? quelles articulations entre les différentes collectivités ou organismes ? quel service ressenti par l’usager ? Du coup, la logique des territoires conduit logiquement à celle de la coopération et du travail partenarial.
Or, même si l’expérience est irremplaçable en la matière, nous sommes aussi persuadés d’une chose : la coopération et le travail partenarial… ça s’apprend aussi !
Cette chaire n’est pas une chaire de recherche mais d’enseignement, pourquoi et comment ?
Gilles Nezosi : C’est un choix totalement assumé qui s’explique par le constat d’un besoin de compétence fort dans les organismes. En effet, pour réinvestir les territoires, il faut des acteurs en capacité de concevoir, mettre en œuvre, animer et évaluer des politiques sociales territoriales. La simple énumération de ces actions « nécessaires » montre que les compétences attendues sont diverses. D’où l’idée de coupler à cette chaire une 5e année de spécialisation portée par l’EN3S et l’IEP de Lyon où l’on pourra acquérir ces compétences essentielles et se doter d’une solide culture en matière de protection sociale. Sur les territoires, les notions d’acteurs, de parcours, d’exercice coordonné seront ainsi particulièrement mises en avant tant en matière de santé, d’emploi ou de perte d’autonomie. Enfin, et c’est pour nous très important, cette formation diplômante se fait en alternance. D’ores et déjà la Caf et la Cpam du Rhône mais également la Métropole de Lyon ont embauché des alternants.
Pierre Mayeur : Notre objectif est avant tout de spécialiser des étudiants et des salariés des différents organismes, a f i n d’être davantage opérationnels dans leur travail futur ou dans leur travail quotidien. C’est pour cette raison que cette chaire n’est pas une chaire de recherche. Mais, si la chaire s’installe durablement dans le paysage parce qu’elle aura montré tout son intérêt, ce que nous espérons, rien n’empêche qu’elle puisse étendre son champ d’action. Et dès la première année, nous allons pouvoir faire intervenir des chercheurs devant les étudiants.
Nous souhaitons également organiser un colloque d’une demi-journée au printemps 2021 qui sera également un moment de partage entre concepteurs et décideurs des politiques publiques, opérateurs, praticiens, enseignants, étudiants et chercheurs.
Cette chaire est une association entre deux grandes écoles. Quels intérêts pour l’EN3S et l’IEP de Lyon de s’associer sur ce sujet ?
Gilles Nezosi : Cette association est celle de deux grandes écoles fortement ancrées sur leurs territoires avec chacune des spécificités essentielles pour la réussite d’une telle chaire :
l’EN3S, acteur reconnu de la protection sociale dont la raison d’être est de former et d’accompagner les cadres dirigeants de la protection sociale et l’IEP qui est un spécialiste dans la construction et l’analyse des politiques publiques territoriales. Partant de ces pôles d’excellence respectifs, la construction de la chaire s’est faite naturellement dans une réelle logique de complémentarité et de partenariat.
Pierre Mayeur : Notre démarche devait être pleinement cohérente. L’association de l’EN3S et de Sciences po Lyon est celle de deux écoles formatrices de futurs cadres dirigeants.
Ce sont des écoles de l’action publique. Mais ce sont également des établissements qui entretiennent par construction une relation privilégiée avec la grande et belle région française
qu’est la région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous pouvons ainsi passer rapidement aux travaux pratiques ! J’ajouterai également que, afin de donner à cette chaire tous les ingrédients
de la réussite, nous avons fait appel à des organismes de Sécurité sociale et de protection sociale dont l’action est fortement présente dans cette région.