6 mai 2021

Protection sociale : une communauté de professionnels aux problématiques managériales communes, des synergies grandissantes !

Depuis le début de la crise sanitaire, l’EN3S a ouvert ses webinaires gratuits à des publics au-delà de la sphère Sécurité sociale. Elle a ainsi renforcé ses partenariats avec Agirc Arrco par exemple, et en a tissé de nouveaux notamment avec Pôle Emploi.

Par leurs missions et leurs publics, les acteurs de la protection sociale partagent des problématiques communes. Partager et nourrir des réflexions et actions managériales communes est une démarche qu’ils renforcent, convaincus qu’elle peut faire émerger des synergies.

Thierry Bouillon, directeur du développement des talents et des compétences, adjoint au DGA RHRS de Pôle Emploi et Benoît Eymery, responsable du centre de formation et des expertises métiers / accompagnement et transformation chez Agirc-Arrco, reviennent sur les adaptations managériales imposées par la crise, la manière dont ils ont réagi et fait face.

Quels enseignements tirez-vous de la crise sanitaire sur les pratiques managériales de votre réseau ?

Thierry Bouillon : Il convient au préalable de souligner que Pôle emploi est engagé depuis mi 2017, dans une démarche de performance par la confiance, co-construite à tous les niveaux de l’établissement et portée par un management facilitant. Le télétravail est également ancré dans les pratiques d’organisation et managériales de Pôle emploi depuis près de 4 ans et un nouvel accord télétravail est en cours de négociation, permettant de prendre en compte les enseignements de la période et les besoins remontés par les agents.

 

Il résulte des enquêtes menées sur le télétravail et la période de confinement que cette période, de façon globale, a permis de démontrer la mise en œuvre de comportements plus autonomes, des prises d’initiatives, individuelles et collectives, centrées sur la recherche de performance avec une orientation client forte liée aux nécessités du moment et aux besoins des usagers ainsi qu’un raccourcissement des circuits de validation.

Cette période a représenté, plus spécifiquement pour les managers, une opportunité pour aller plus loin dans l’ancrage de leur fonction vers un manager facilitateur, porteur du sens et des orientations, un manager orienté performance par la confiance, garantissant les conditions de l’innovation et de la synergie.  Les managers plus orientés sur le contrôle ont dû « lâcher prise « sur leur mode de fonctionnement habituel. Par ailleurs les managers ont dû veiller à garder une relation de proximité avec chaque collaborateur pour capter les signaux faibles, pour réguler la charge de travail et respecter l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle.

 

Benoît Eymery : La crise sanitaire a marqué une véritable rupture entre le management d’hier (plutôt tourné autour du « commandement et du contrôle ») et celui que le télétravail imposé a fait émerger.

Globalement, le management a vu la plupart de ses références bouleversées. Collectivement, il nous a fallu apprendre le management à distance « sans distance » ; ce qui est loin d’être aisé !

Cette crise a suscité de nombreuses questions sur les rôles et postures pour soutenir les équipes et leurs activités sur la durée et dans des conditions très différentes celles habituelles. On a digitalisé tout ce qui pouvait l’être en cherchant à reproduire nos habitudes du présentiel sur le travail en distanciel en s’appuyant notamment beaucoup sur les outils collaboratifs.

Nous avons dû apprendre et se réapproprier l’organisation de son travail individuel et de ses routines dans un collectif éclaté.  La nécessité de faire confiance, d’être bienveillant et dans l’écoute pour accompagner les collaborateurs s’est spontanément et brutalement imposée dans des conditions où s’est mis en place une porosité des frontières entre vie personnelle et vie professionnelle.

Le manager est sur le chemin de l’acceptation et de l’exploration des responsabilisations des collaborateurs. Je suis convaincu qu’avec le déploiement massif du télétravail, on ne peut plus imposer un cadre trop figé et trop contraignant. Le salarié travaille depuis chez lui, et dès lors, va être amené à s’organiser en complète autonomie. Chercher à perpétuer un management contrôlant serait, au final, s’entêter à rester dans un fonctionnement devenu, inadapté et inefficace. Cette crise a souligné toute l’importance de la mission de coordination des managers : assurer les synergies entre les collaborateurs et maintenir l’efficacité opérationnelle via le suivi de l’activité des équipes.

Nous avons pris conscience de l’interdépendance et de l’indispensable solidarité pour s’en sortir. On s’ouvre à la réflexion collective par rapport à l’individualisme du télétravail. Globalement les managers ont compris la dimension humaine de leur rôle.

Ces enseignements nous les évoquons très régulièrement avec les managers au sein de l’Agirc-Arrco. C’est un sujet de réflexion quotidien pour faire évoluer nos pratiques managériales.

Vers quelles transformations managériales vous orientez vous à moyen terme ?

TB : Pôle emploi dispose d’un référentiel de compétences managériales, actualisé en 2018 afin de l’adosser aux principes de la démarche performance par la confiance.  Les compétences managériales reflètent l’ambition de transformation de Pôle emploi vers de nouveaux modes de management agiles, plus collaboratifs, responsabilisant, qui valorisent les potentiels et encouragent la capacité à agir de chacun des agents.

Ces compétences sont au nombre de 5 :

  • Inspire, construit une vision commune
  • Responsabilise
  • Manage la performance opérationnelle et sociale
  • Facilite et crée les conditions de la coopération
  • Développe les talents

Nous souhaitons renforcer pour demain les compétences managériales sur les dimensions suivantes de :

  • Management de la performance sociale et opérationnelle en mode plus collaboratif et agile et au plus près du territoire
  • Facilitation et création des conditions de la coopération dans une dynamique collective mixte ou hybride (présentiel/distanciel),

tout en donnant aux  managers des outils pour  se ressourcer , prendre du recul et bien gérer leur énergie.

Les managers sont également renforcés dans leur rôle d’accompagnement du développement des compétences de chaque collaborateur, de l’évaluation des besoins en amont, à la mobilisation des acquis à l’issue des actions de formation. Pour ce faire, nous avons ciblé pour l’année en cours une action de formation spécifique destinée à l’ensemble des managers – « développer les talents » – en lien avec la compétence managériale correspondante.

Commencée en 2019 avant la crise sanitaire, la démarche d’autodiagnostic de ces compétences que nous avons menée a été un point d’appui important pour accompagner les managers.

Elle a rencontré un grand succès auprès de nos managers, puisque plus de 90% d’entre eux ont réalisé cet auto-diagnostic. Cette démarche nous a permis d’identifier et de partager nos zones d’effort et de confort, tant au niveau individuel, que collectif. Suite à ces analyses, nous avons pu adapter nos outils d’accompagnement managérial (formations, webinaires, dispositifs d’accompagnement) afin d’être au plus près des besoins de développement de compétences dans notre offre et en nous adaptant aux spécificités des collectifs de managers.

De nouveaux produits ont ainsi pu voir le jour en lien avec ces diagnostics. C’est le cas des team-boosters, produits de formation co-construits qui permettent à un collectif de managers, en équipe naturelle, de partager une vision commune sur un thème en lien avec leurs compétences et d’acquérir et d’ancrer ensemble des pratiques propres à les développer. Ces journées de formation peuvent associer également des non-managers, comme c’est le cas sur le thème de la gouvernance partagée.

La transformation managériale passe ainsi par le renforcement de notre démarche de compétences et par la poursuite de la transformation de notre approche d’accompagnement portée par les principes de la Performance par la Confiance.

BE : Il est encore difficile de se prononcer sur cette question précisément. Cependant, il me semble que l’on oriente objectivement le positionnement du manager vers un leadership apprenant : permettre aux managers d’exploiter leur rôle de facilitateur de compétences et vers un rôle plus apprenant.

Nous souhaitons nous inscrire dans une démarche d’amélioration et d’apprentissage continu en interrogeant régulièrement nos pratiques pour faire grandir les équipes au profit du projet collectif et de l’organisation.

Nous cherchons quelque part à nous éloigner des postures de gestionnaire technique contrôlant pour aller vers une posture de manager coach.

Des temps de réflexion et de formation ont-été partagés avec la communauté managériale de la Sécurité sociale durant la crise. Quels bilans en tirez-vous ?

TB : Le partenariat avec l’EN3S nous a permis de proposer à l’ensemble des managers de Pôle emploi des webinaires thématiques afin de répondre aux difficultés de gestion de la crise. L’ensemble de ces webinaires a connu vif succès, de 82 à 100% de taux de satisfaction selon les thématiques abordées. Les thématiques étaient jugées pertinentes et opportunes au regard des problématiques rencontrées par les managers dans la période. Le format court a été plébiscité laissant la possibilité aux managers de poser leurs questions.

Nos managers ont été confrontés aux mêmes problématiques de gestion de cette crise, sur un plan managérial, humain, mais aussi sur un plan organisationnel et de production au regard de la nécessité d’assurer la continuité de service vis-à-vis de nos usagers.

BE : Vous le savez, le monde de la protection sociale et plus spécifiquement celui de la retraite évolue et est en profonde mutation. L’assurance Retraite comme l’Agirc-Arrco convergent vers un but commun et complémentaire dans la gestion de leur offre de service : rendre un service lisible, homogène et de proximité auprès de leurs clients qu’ils soient entreprises ou bénéficiaires de droits.

Pour y parvenir, il semble pertinent de rassembler nos énergies pour libérer « le pouvoir de penser et d’agir » de tous au service d’une meilleure performance et cohérence d’ensemble.

Avec la crise sanitaire, nous partageons avec la CNAV le fait qu’aucune organisation ou entreprise n’a échappé à une nécessaire adaptation, voire transformation. En effet, face à un monde de l’entreprise ne cessant de changer et des évolutions sociales de plus en plus rapides, nous avons besoin de compétences managériales différentes de celles qui nous ont permis de réussir dans le passé.

Dans ce cadre, nous nous engageons conjointement dans une première initiative permettant de prendre du recul sur les pratiques managériales, organisationnelles et RH actuelles pour préparer celles de demain.

Nos deux réseaux ont donc lancé une recherche-action commune sur les mutations du travail ; recherche-action menée avec une équipe de 3 chercheurs.

Je dirais en conclusion que la crise est une affaire de tous, nous avons pu partager et échanger entre nos 2 réseaux et sur les territoires les apprentissages que la crise sanitaire a fait émerger et accélérer ainsi notre compréhension des situations vécues. Cela nous a rapprocher et nous a permis d’initier les premiers pas d’une dynamique collective au service de l’innovation managériale pour mieux nous adapter aux nombreux défis de demain.