16 juin 2023

Les défis des régimes spéciaux, interview de Pierre Robin

 

Pierre Robin, directeur général de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF, préside le « Club des régimes spéciaux ». Il revient en détail sur les objectifs de ce club mais aussi plus globalement sur des enjeux et défis des régimes spéciaux.

Depuis 2019, vous vous êtes investi dans la redynamisation du Club des Régimes spéciaux. Quels sont les objectifs de ce club ? Quelles réflexions et partages unissent les régimes spéciaux ?

Pierre RobinPar tradition, le directeur de la CPRPSNCF préside le « Club des régimes spéciaux » qui est un lieu informel d’échange et de travail en commun pour les directeurs des régimes spéciaux de retraite.

Depuis mon arrivée, j’ai essayé d’impulser une nouvelle dynamique en structurant ces échanges et en créant des passerelles avec les régimes spéciaux d’assurance maladie regroupés au sein de l’UNRS.

C’est ainsi que 20 « réseaux thématiques » ont vu le jour pour que nos collaborateurs puissent échanger sur leur domaine entre pairs (agents de direction et managers stratégiques)

Parfois, ces échanges conduisent à proposer aux directeurs des coopérations ou des mutualisations entre deux, trois, quatre ou tous nos organismes.

Mon rôle est d’animer le Club en identifiant les sujets qui motivent le plus grand nombre, et en faisant le lien avec les tutelles lorsque cela est nécessaire.

Je le fais avec enthousiasme car je considère que cette mise en réseau est indispensable. En effet, nous ne bénéficions pas nativement du fonctionnement en réseau du régime général ou du régime agricole

Nous sommes et nous serons toujours plus forts et plus intelligents ensemble.

Les régimes spéciaux de Sécurité sociale établissent des synergies entre eux mais comment collaborent-ils avec le régime général ?

Les contacts se nouent spontanément entre régimes spéciaux, mais les collaborations avec le régime général et avec le régime agricole sont aussi très nombreuses !

Nous faisons tous partie de la même famille « Sécurité sociale ». Et puis les projets inter-régimes – notamment informatiques – montent en puissance et nous rapprochent encore plus.

Nous sommes pleinement acteurs de ces projets. Je représente les régimes spéciaux au sein du GIP Union Retraite et du GIP MDS. Et mon collègue directeur de la CNMSS au sein du GIE Sesam Vitale.

Par ailleurs, nous sommes plusieurs à utiliser des outils informatiques du régime général ou de la MSA, adaptés à nos spécificités, voire à mutualiser certaines activités de production avec des caisses régime général ou MSA.

Mais les collaborations se diversifient et dépassent le seul champ informatique. Elles peuvent concerner aussi la prévention (Prado/Sophia, Instants Santé, Bien vieillir…) ou les fonctions support.

Nous avons travaillé dernièrement avec la Cnav sur une action inédite visant à informer des retraités âgés ayant oublié de faire valoir une partie de leurs droits à retraite.

Nous travaillons en ce moment avec la Cnam sur un dispositif plus performant d’échange d’informations inter-régimes pour accroître les sommes récupérées dans le cadre de la lutte contre la fraude.

Ce ne sont que quelques exemples.

Quels sont les principaux défis auxquels les régimes spéciaux de Sécurité sociale français sont confrontés aujourd’hui, et comment les surmontez-vous ?

Exactement les mêmes que tous les autres régimes de Sécurité sociale, que ce soit en termes de pilotage de la production, de service aux publics, de partenariats, d’attractivité de nos métiers ou d’efficience !

Avec en plus quelques défis spécifiques, au premier rang desquels la transformation de nos organisations.

L’ENIM par exemple, qui est un établissement public, se prépare à se transformer pour devenir un organisme de sécurité sociale à part entière.

D’autres organismes devront gérer à court, moyen et long terme les conséquences d’une fermeture de régime, même si des prestations « spéciales » seront encore versées pendant 60 à 70 ans au moins…

C’est le cas pour la SNCF avec la fermeture du statut depuis le 1er janvier 2020. Et ce sera le cas au 1er septembre 2023 pour cinq autres régimes de retraite suite au vote de la LFRSS 2023.

L’ouverture à la concurrence et les mesures d’accompagnement décidées par les pouvoirs publics (« sac-à-dos social ») viennent également bousculer nos corpus réglementaires, nos habitudes et nos publics.

Ces évolutions sont parfois délicates à gérer, tant en interne qu’en externe. Mais ce sont autant de projets intéressants à mener voire d’opportunités.

Pour prendre l’exemple de l’organisme que je dirige, nous allons devenir en 2024 la caisse de toute la branche ferroviaire, et plus seulement des agents statutaires de la SNCF.

Nous gérerons l’assurance maladie des nouvelles populations dans le cadre d’une délégation de la Cnam. Et nous garantirons la portabilité du régime spécial de retraite aux cheminots qui seraient transférés vers d’autres opérateurs ferroviaires dans le cadre des appels d’offres liés à l’ouverture à la concurrence.

Dans ce contexte de forts changements, déployer toutes nos compétences, mobiliser nos partenaires, accompagner les équipes et s’appuyer sur le collectif sont les conditions de la réussite.

En quoi exercer dans un régime spécial est une expérience singulière et enrichissante pour un agent de direction de la Sécurité sociale dans son parcours professionnel ?

Exercer dans un régime spécial, c’est à la fois quelque chose de « normal » et quelque chose de très original.

Pour ce qui me concerne, je dirais sans hésiter que c’est à ce jour ma plus belle expérience professionnelle de dirigeant à la Sécurité sociale.

J’espère que mes précédents organismes ne m’en tiendront pas rigueur quand ils liront ces quelques lignes…

Ce qui est enrichissant, c’est que nous sommes de véritables PME de la protection sociale avec une taille qui permet de la réactivité, de l’agilité et une vision de bout-en-bout des dossiers.

Et sans doute un peu plus d’autonomie que dans un organisme local du régime général ou du régime agricole.

C’est aussi une chance d’être à la fois « caisse nationale » (pour le lien direct avec les tutelles et l’élaboration de la stratégie) et « caisse locale » (pour la gestion de la production, du service, des partenariats…).

Et puis nous avons un pied dans la protection sociale et un pied dans un autre univers professionnel, qu’il soit ferroviaire, notarial, énergétique ou culturel. Cela aussi c’est très enrichissant !

Alors évidemment nous n’avons pas la « force de frappe » des autres régimes, ni les mêmes volumes à gérer, ni le même impact ou la même visibilité dans la conduite des politiques publiques. 

Mais ce n’est pas toujours inutile d’avoir un Petit Poucet dans la famille n’est-ce-pas?

Je recommande donc à 200% aux agents de direction, aux managers et à tous les collaborateurs des caisses du régime général ou de la MSA de venir faire l’expérience !