2 octobre 2023

Formations sur la déontologie, de quoi parle-t-on ? Interview d’Elsa Foucraut

 

Elsa Foucraut est prestataire pour l’EN3S, chargée de concevoir et d’animer l’offre de formation sur la déontologie. Spécialiste de la prévention de la corruption et de la transparence de la vie publique, elle travaillait auparavant au sein de l’ONG Transparency International. Elle se consacre désormais à l’enseignement et à la formation professionnelle, ainsi qu’à des missions d’évaluation de politiques publiques pour des acteurs publics ou des organisations internationales. Elle enseigne notamment à Sciences Po Paris.

Déontologie : de quoi parle-t-on ?

Du grec ‘deontos’ (ce qui est convenable) et ‘logos’ (la connaissance), la déontologie renvoie à l’ensemble des règles et des devoirs d’une profession, d’un secteur ou d’un domaine d’activité. C’est une notion ancienne, bien connue notamment des professions médicales et juridiques qui sont presque toutes régies par des codes de déontologie (code de déontologie des médecins, des avocats etc.), mais qui connaît depuis une quinzaine d’années un regain d’intérêt, avec une focalisation sur la prévention des conflit d’intérêts.

La déontologie est-elle devenue un enjeu au sein des organismes de Sécurité sociale ?

La déontologie a toujours été une préoccupation à la sécurité sociale, comme pour l’action publique en général, mais l’on assiste effectivement à un regain d’intérêt pour ces enjeux. La probité, l’intégrité, l’égalité de traitement, la confidentialité, ou encore la responsabilité, sont des principes déontologiques bien connus des agents de la sécurité sociale, qui y sont pour la plupart très attachés. Ces questions connaissent toutefois un regain d’intérêt, avec des arrêtés adoptés en 2022 pour les administrateurs d’organismes de sécurité sociale, et par une circulaire interministérielle de mai 2023 pour les agents. Il y a avec ces textes une dynamique d’harmonisation inter-branches, inter-régimes et inter-organismes, et deux grandes nouveautés : des déclarations d’intérêts à remplir pour les conseillers et administrateurs, et la systématisation du droit au conseil déontologique via la nomination de référents déontologues dans tous les organismes. 

Afin de répondre à tous ces enjeux, trois formations ont été mises en place avec l’EN3S afin d’accompagner les organismes à mieux « se saisir » de ces questions de déontologie. Il y a tout d’abord eux une formation à l’attention des conseillers et conseillers d’administration. Ensuite, le besoin s’est fait sentir d’accompagner les cadres dirigeants et les CODIR en la matière. Enfin, en partenariat avec l’institut 4.10, l’UCANSS et les déontologues nationaux un module de formation dédié aux référents déontologues locaux a été créé.

Avez-vous à l’esprit des situations à risque propres à notre institution ?

On va retrouver à la sécurité sociale des risques similaires à ce que l’on observe dans la fonction publique d’Etat ou dans les collectivités territoriales. C’est le cas par exemple en matière de marchés publics ou d’attributions de subventions par exemple. De même, les problématiques propres aux inspecteurs et inspectrices en URSSAF ou en CARSAT sont souvent très proches des questions qui se posent aux inspecteurs du travail et aux contrôleurs fiscaux. 

Il faudra attendre que les déontologues nationaux publient des rapports de déontologie pour mieux cerner les problématiques spécifiques à la sécurité sociale.

Dispenser une formation sur un sujet « légal » peut-il se faire autrement qu’en cours magistral ? Quelle pédagogie employez-vous ?

La déontologie n’est pas qu’un sujet juridique. L’enjeu des formations est d’insuffler une culture de groupe et des réflexes déontologiques, et d’outiller les stagiaires pour qu’ils soient capables de résoudre des dilemmes déontologiques du quotidien. Il faut bien sûr une part de formation théorique, mais j’accorde une place importante aux cas pratiques dans les formations. Cet équilibre entre théorie et pratique est généralement apprécié des stagiaires. Travailler en groupe à partir de cas pratiques présente plusieurs intérêts pédagogiques. Les stagiaires repartent avec des méthodes et des outils pour analyser des cas d’espèce, plutôt qu’avec une liste de situations – qui ne pourrait jamais être exhaustive. Ils sont notamment sensibilisés à l’importance de l’analyse fine des éléments de contexte, de la collégialité, et de la cohérence doctrinale. Cela permet de travailler les questions de posture : comment se positionner en tant que référent déontologue lorsque l’on est saisi pour avis, ou bien en tant que manager lorsqu’un cas de conflit d’intérêts émerge chez un collaborateur placé sous sa responsabilité ? Au final, l’enjeu est d’arriver à analyser des situations sans sous-estimer ni surestimer les risques déontologiques.