6 décembre 2023
Les auditeurs de l’Institut des Hautes Etudes de Protection sociale réunis autour du diptyque confiance et soutenabilité du système de protection sociale français
Le cycle 2023 s’est achevé en novembre par la remise des diplômes aux auditeurs de la 14ème promotion par Monsieur Claude Evin, Président de l’IHEPS.
Le cycle a permis aux 35 auditeurs, leaders d’opinion issus de la société civile parmi lesquels des dirigeants d’entreprise et du secteur public, élus, partenaires sociaux, journalistes…de mieux appréhender les termes du débat public, que ce soit en termes conceptuels qu’opérationnels, et de participer aux mutations à l’œuvre. L’objectif a été de fournir des éléments de cadrage sur les défis, évolutions et perspectives à l’échelle de l’ensemble de la protection sociale et propre à chacun des « grands » risques sociaux et d’analyser les enjeux majeurs autour de la soutenabilité ou de l’insoutenabilité du système de protection sociale, à l’aune de la confiance ou la défiance qu’il suscite.
Après dix sessions thématiques mensuelles animées par les conseillers scientifiques Benjamin Ferras et Gilles Nezosi autour du thème central : « Entre recherche de confiance et de soutenabilité, quels horizons pour la protection sociale ?, l’année d’études s’est enrichie par une exploration sur le terrain. Celle-ci a pris la forme d’une immersion auprès des services de la CPAM de Seine-Saint-Denis, de l’ARS Ile-de-France et du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, puis d’un voyage d’études organisé à Berlin en octobre.
Sujets de fond et programme dense, quels enseignements pour les auditeurs ? Témoignage d’Arnaud Emériau, directeur de l’IHEPS
“Le premier enseignement, c’est que la confiance ne se décrète pas. Elle est renforcée et étendue si l’on met en place des dispositifs précoces d’acculturation à la protection sociale permettant aux citoyens de mieux comprendre et de légitimer le projet collectif de solidarité intergénérationnelle.
Par ailleurs a été mise en exergue la nécessité d’évaluer les effets positifs et concrets des mécanismes de redistribution socio-fiscale et de renforcer les connaissances sur le lien entre extension de la protection sociale et performance économique.
Le deuxième enseignement porte sur le cœur même du thème du voyage d’études : Protection sociale – France-Allemagne, si proches, si loin ? Le voyage d’études en Allemagne a permis de révéler les grandes difficultés à appréhender le sujet de la confiance et de la soutenabilité, qui ne parle pas immédiatement à nos voisins allemands.
Fondée en France sur des droits de créance de l’individu sur la société, qui seraient extensibles par nature et ne feraient que difficilement l’objet de toute remise en cause, la protection sociale en Allemagne semble accompagner un processus naturel de réformes accepté dès qu’un consensus social général, public et privé, est atteint.
L’absence apparente de corps d’inspection et d’évaluation des politiques publiques en Allemagne, qui peut paraitre surprenante, est venue corroborer cette idée d’un consensus social qui autorégulerait le système de protection sociale.
Les approches culturelles, réputées antagonistes, entre une France dispendieuse et une Allemagne rigoureuse quant à la maitrise et la soutenabilité budgétaire, ont été profondément questionnées à l’occasion du voyage d’études. En effet, allors que la Loi fondamentale allemande limite strictement les nouveaux emprunts de l’Etat à 0,35% du PIB chaque année, la mise en place récente par le gouvernement allemand de plusieurs fonds spéciaux hors du verrou constitutionnel destinés à booster l’investissement dans les infrastructures a remis en cause ce postulat de départ. Cela laisse présager un changement de posture de l’Allemagne vis-à-vis de l’exigence de réduction de la dette et du déficit public à court-moyen terme. »
Regards de deux auditeurs du cycle 14 : Vincent Mettauer, Secrétaire général de l’ARS Ile-de-France et Emilie Seffray, Inspectrice des affaires sociales
Quelles ont été vos motivations pour suivre ce cycle de formation ?
Vincent Mettauer : « Mon intérêt premier pour ce cycle de formation consistait tout d’abord en une formidable opportunité d’enrichissement professionnel et personnel. J’y voyais l’occasion de renforcer mon expertise et d’acquérir des clefs d’analyse et de compréhension supplémentaires du système de protection sociale ; mais aussi de confronter mon expérience professionnelle avec d’autres acteurs du monde de la protection sociale, de la santé ou de l’entreprenariat.
Ensuite, l’approche transversale proposée et les regards croisés qui allaient être posés sur l’avenir de la protection sociale au cours de ce 14ème cycle, « Entre recherche de confiance et de soutenabilité, quels horizons pour la protection sociale ? », s’inscrivaient dans une époque où le système était parfois contesté dans ses réformes et ses résultats. Je trouvais donc que c’était un excellent moment pour échanger sur ces enjeux majeurs. Car la notion de confiance est clé pour la pérennité et l’extension de notre système de protection sociale. »
En quoi ces dix sessions ont-elles contribué à votre développement personnel et professionnel, et comment pensez-vous qu’elles influenceront votre avenir ? Recommanderiez-vous la participation à un cycle de l’IHEPS ?
Emilie Seffray : « L’IHEPS m’a permis de faire un pas de côté dans un quotidien bien rempli, et de réinterroger ce que je pensais savoir du fonctionnement de la protection sociale. Grâce à des interventions de sociologues, d’historiens, d’économistes, j’ai remis notre organisation actuelle dans une perspective historique beaucoup plus large et très éclairante sur des tendances de fond à l’œuvre pour comprendre ce qui sous-tend nos choix en matière de socialisation des risques pauvreté, maladie, perte d’emploi etc. Ce recul et cet approfondissement m’ont beaucoup apporté, y compris dans la manière dont j’aborde les préconisations à formuler pour mes prochaines missions à l’IGAS. Je recommande vivement le cycle IHEPS à tous les esprits curieux. »
À la suite de votre voyage d’études en Allemagne, centré sur la thématique « Protection sociale : Allemagne, France, si proches, si loin… », quelles leçons tirez-vous de cette expérience riche et dense ? Quel est votre ressenti autour de cette thématique ?
Vincent Mettauer : « Ce voyage d’étude permet un regard croisé entre deux pays européens confrontés aux mêmes enjeux, mais traités d’une manière qui leur est propre.
Il nous a offert un excellent et complet panorama de la protection sociale en Allemagne avec un programme d’une qualité remarquable et des rencontres au plus près des décideurs et des organisations nationales de sécurité sociale (députés du Bundestag, Conseillers de l’Ambassade de France, Fédérations des syndicats et organisations patronales, fonctionnaires des Ministères fédéraux du travail et des affaires sociales, de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse, journalistes, etc.).
Il aura été également l’occasion de découvrir des modèles d’organisations territoriales (Services de garde des enfants, visite d’une crèche, Agence pour l’emploi et visite d’un job center).
C’est enfin et surtout, pour le groupe, un formidable accélérateur de cohésion qui potentialise un esprit de corps et de promotion : un socle pour demain dans l’implication de tous et de chacun dans l’AAIHEPS. »
Un nouveau cycle débutera en janvier 2024 et portera sur le thème « Santé, protection sociale : faut-il changer de modèle ? ». Une année à enjeu fort pour l’IHEPS qui fêtera le quinzième anniversaire de sa création et aura pour parrain exceptionnel Monsieur Claude Evin : En savoir plus sur le cycle 15.
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