16 février 2024

Bonnes pratiques : la gestion des données sociales en France

 

Depuis 2017, un système nommé « DSN » qui signifie Déclaration Sociale Nominative est généralisé en France.

Ce système repose sur un principe numérique fort : les administrations ne demandent plus, chacune à leur niveau, toutes les données dont elles ont besoin aux entreprises mais, au contraire, les entreprises produisent à partir de leur système de gestion de paie un fichier mensuel, contenant les données « sources », c’est-à-dire telles qu’elles sont utiles à conserver dans le système de paie.

C’est un véritable changement de paradigme puisque la description de la donnée ne vient plus des « textes » qui la régissent mais de la réalité qui la produit ; c’est ainsi une véritable évolution « culturelle » sur la manière de considérer la DATA.

Avant la DSN, chaque administration concevait et demandait les données aux entreprises selon sa propre réglementation. Même si un flux technique unique et annuel était possible, il représentait le cumul de chaque demande particulière avec plus de 800 données véhiculées.
Avec la DSN, la conception du flux est fondée sur le sens des données utiles aux employeurs pour faire la paie de leurs salariés. Les administrations doivent, à partir de ces données, récupérer celles qui leur sont nécessaires, voire les retraiter si sur cette base elles ont besoin d’une donnée qui n’est pas la même mais peut en être directement déduite.

Cette approche nécessite une surveillance permanente de la juste définition des données de bout en bout, avec des opérations de normalisation qui sont en soit un métier de maîtrise des DATAS qui « contraint » d’avantage les administrations dans leurs usages. Dans les premières conceptions, la DSN portait ainsi environ 300 données pour servir les besoins couverts par les 800 données antérieures.
Dès lors que la DSN a été généralisée, un projet qui était en gestation depuis quelque temps en France a pu voir le jour : le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Cette modalité a démarré en 2019 et ce changement s’est très bien passé, parce que l’administration fiscale a totalement joué le jeu du respect de la donnée « à la source » et des rythmes de collecte praticables qui sont associés à une paie mensuelle.

Fort de cette réussite, considérant qu’il existe en France un nombre important de prestations « assistancielles », c’est-à-dire qui viennent compléter les ressources des salariés lorsqu’elles sont considérées comme trop faibles, l’Etat a souhaité avancer sur cette nouvelle dimension de « solidarité à la source », où il s’agit de pouvoir automatiquement, sans que le citoyen n’ait d’éléments à produire, verser le complément nécessaire aux populations concernées par ces sommes trop faibles.

Les enjeux sont conséquents. En premier lieu, parce qu’il s’agit souvent de populations fragilisées qui peuvent ignorer leurs droits. C’est permettre le « aller vers » avec détection des situations de détresse en amont pour contacter ces personnes afin qu’elles disposent bien de leur juste droit. En second lieu, le système actuel est fortement générateur d’indus parce que les citoyens comprennent mal les déclarations qu’ils doivent remplir à ce jour sur leur niveau de ressources. Déterminer en amont les éléments entrant dans la base ressources et une alimentation automatisée à partir de la source résoudraient la problématique.

En représentant la transformation que signifie cette approche à la source tant sur les prélèvements que sur le reversement sur un schéma simplifié, on mesure la « hauteur » du changement que cela constitue sur toute la chaîne.
Concernant le « prélèvement à la source », antérieurement le citoyen vérifiait sur sa déclaration fiscale le montant annuel de sa rémunération pour le porter dans la déclaration de revenus, avec un paiement annuel de l’impôt par ses soins. Depuis 2019, l’entreprise prélève directement le salarié de cet impôt, à un taux que l’administration fiscale lui notifie ; les éléments sur les montants et les paiements associés sont directement transmis par l’entreprise à l’administration fiscale, via la DSN.
Concernant la solidarité à la source, à ce jour, les citoyens doivent demander les prestations en déclarant sur un formulaire spécifique les ressources qu’ils ont perçues. Avec la nouvelle approche, les éléments seront directement transmis via la DSN aux organismes qui gèrent ces prestations.

La notion de « source » correspond à la donnée telle que nécessaire et traitée dans le système dont elle provient qui est directement utilisée, sans autre définition exogène à la paie.

La promesse d’un caractère plus contemporain des ressources permet d’ajuster les droits assistanciels à la situation réelle des personnes.
L’Allocation au logement (aide au paiement du loyer) est déjà entrée dans ce nouveau cadre, alors qu’antérieurement elle était calculée sur la base des revenus obtenus 2 ans plus tôt (temps qui était nécessaire au fisc pour stabiliser ces éléments). D’autres prestations qui fonctionnaient avant sur du pur déclaratif de la part du salarié (avec des taux d’erreurs observés très importants, de l’ordre de 60% car la donnée demandée était peu claire pour les personnes) vont rejoindre ce dispositif.

Toutefois des réglages sont nécessaires afin d’éviter que cette apparence de simplification ne se transforme en dysfonctionnement majeur. L’employeur qui était antérieurement complètement absent du processus de délivrance des prestations d’assistance rentre au cœur de celui-ci pour fournir la donnée de référence à un haut niveau de qualité.

Avec du recul sur la DSN, qui a démarré en 2013 pour être généralisée en 2017, on a désormais une qualité d’ensemble nettement améliorée vis-à-vis des systèmes antérieurs puisqu’elle avoisine les 97% alors qu’antérieurement les différentes procédures étaient souvent autour de 70 à 80%. Cependant, on sait également que des conditions sont à réunir. Pour que les employeurs jouent leur partition comme attendu, il faut que la donnée soit naturelle pour eux dans leur système source et que le dispositif soit clairement compris par le citoyen.
L’opération est ainsi à la rencontre entre 3 axes : des objectifs politiques et sociaux forts, un besoin de pédagogie et d’information envers les salariés mais aussi des techniciens en front office dans les organismes sur cette transformation numérique et dans la nécessaire maîtrise technique pleine et entière de la donnée source, pour ce qu’elle est.

Le travail collectif sur toute la chaîne n’est plus une option mais une obligation pour garantir la pleine réussite de l’approche.