9 avril 2024

La CNAM se structure pour porter les enjeux écologiques – Rencontre avec Claire Traon

 

Claire Traon, directrice Transition écologique et santé environnementale de l’assurance maladie, nous en dit plus sur les enjeux écologiques, les défis à relever, les nombreux projets en cours et à venir, mais également les objectifs qui ont poussé à la création d’une mission spécifique autour de la transition écologique et la santé environnementale à l’assurance maladie.

 

Quelles sont vos principales missions en tant que Directrice de mission Transition écologique et santé environnementale à la Caisse Nationale d’Assurance maladie, et comment contribuent-elles aux politiques de santé et environnementales ?

Claire Traon : Je vais d’abord revenir sur la création de cette mission qui est une mission très récente au sein de l’assurance maladie, créée en fin d’année 2023, avec pour objectif principal de mettre en œuvre les engagements pris dans la convention d’objectifs et de gestion 2023-2027, pour faire de l’assurance maladie un acteur de la transition écologique du système de santé et de la promotion de la santé environnementale. C’est une mission nouvelle, il faut signaler qu’il y a une seconde mission qui a été créée au sein de l’assurance maladie mais orientée interne : la transition écologique des organismes de l’assurance maladie en tant qu’entreprise et service public. Donc l’idée c’est d’avancer conjointement sur ces 2 aspects, à savoir le volet externe de la transition écologique, l’assurance maladie en tant qu’acteur du système de santé, mais également le volet interne.

Mes missions principales, c’est déjà de convaincre l’ensemble des acteurs, des directions, des collaborateurs de l’assurance maladie, que nous avons un rôle important à jouer sur ce sujet de transition écologique du système de santé, et ensuite c’est de construire un plan d’action. On a également la commande du directeur général de construire un schéma directeur de la transition écologique pour les prochaines années. Il y a donc une feuille de route pour l’année 2024 qui a été construite et l’objectif c’est que durant l’année, nous puissions construire un schéma directeur pluriannuel qui soit commun aux 2 volets, externe et interne, afin d’embarquer toute l’institution. Une de mes missions sera de piloter la mise en œuvre de ces actions.

 

Quels sont les principaux défis à relever dans l’intégration des enjeux environnementaux dans les politiques de santé portées par l’assurance maladie ?

Claire Traon : Là aussi, nous allons pouvoir distinguer 2 aspects : les enjeux liés à la réduction de notre impact sur l’environnement, la réduction de l’impact du système de santé sur l’environnement, avec des objectifs de décarbonation principalement et aussi de limiter la pollution des milieux ou les atteintes à la biodiversité. Concernant les enjeux sur la décarbonnation, on connaît les ordres de grandeur grâce au rapport du Shift Project « Décarboner la santé pour soigner durablement ». Les constats de cette étude vont être affinés dans le cadre d’un programme de recherche, dont l’EN3S, la CNAM, la CNSA sont partenaires. Mais nous connaissons les postes principaux sur lesquels il faut travailler, à savoir le médicament, les dispositifs médicaux, les transports pour réaliser des soins. En tout cas, pour ce qui concerne l’assurance maladie, cela va être les sujets principaux sur la réduction de l’empreinte carbone du système de santé.

On a par ailleurs aussi la volonté de mieux connaître l’impact des facteurs environnementaux sur la santé des personnes prises en charge et donc sur les dépenses de santé. Il y a de nombreux travaux scientifiques sur l’impact des facteurs environnementaux comme la qualité de l’air, de l’eau, les perturbateurs endocriniens, etc. On a l’ambition de nouer des partenariats sur ces thématiques, de venir compléter peut-être certaines recherches avec les données du SNDS et intégrer les dépenses de santé dans ces études pour accompagner la prise de décision sur certaines politiques publiques.

Donc enjeu de réduction de l’empreinte carbone, enjeu de prise en compte des facteurs environnementaux sur des aspects de recherche, et aussi sur des campagnes qui en découleraient en promotion de la santé environnementale et en prévention. On va aussi devoir travailler sur les enjeux d’adaptation au changement climatique. Aujourd’hui dans nos feuilles de route et même dans la COG, c’est quelque chose qu’on n’a pas forcément bien identifié, or on observe que les impacts sont déjà là, et que cela va poser un certain nombre de questions sur la prise en charge des assurés, sur l’adaptation du système de soins, et puis sur le fonctionnement même de nos organismes. Il est important d’anticiper pour pouvoir continuer à fonctionner dans un environnement à + 2 ou 3 degrés et où les événements climatiques deviennent imprévisibles.

 

Comment accompagner les collaborateurs de l’assurance maladie en matière de transition écologique ? Il y a un impact en matière de formation continue ?

Claire Traon : Oui, c’est certain. La formation est même la base. Nous avons déjà un enjeu de convaincre et de sensibiliser l’ensemble des collaborateurs que les enjeux environnementaux sont des enjeux de santé et doivent être intégrés dans tous les métiers, toutes les missions que nous réalisons, avec des degrés différents. C’est pour cela qu’on va avoir des enjeux plus spécifiques de formation sur certains collaborateurs qu’on identifie avec Amandine Lacroze, qui pilote l’autre mission côté assurance maladie, comme les « acteurs à impact ». On va, par exemple, classer dans cette catégorie les agents qui vont être en contact avec les professionnels de santé. Si on veut embarquer les professionnels de santé dans la transition écologique du système de santé, il faut qu’on forme de manière peut-être plus spécifique les collaborateurs qui sont en contact avec eux. Sur le volet interne, on pense aussi aux acheteurs qui ont un rôle important pour que les achats que nous réalisons en tant qu’institution soient les plus vertueux possibles et avec l’impact sur l’environnement le plus réduit possible.

La formation est impliquée dans les enjeux de sensibilisation et d’acculturation pour que l’ensemble des collaborateurs ait un socle commun de connaissances sur ces enjeux écologiques et sur ce que cela représente pour le système de santé en termes d’impact. Il faut que chacun puisse aussi prendre conscience du fait que nous avons un rôle, de par notre position dans le système de santé sur cette transformation écologique du système.

 

Comment votre expérience professionnelle vous a-t-elle préparée à occuper ce poste ?

Claire Traon : Cela fait 7 ans maintenant que je travaille à la CNAM. Précédemment, j’étais sur un poste de responsable adjointe du département des professions de santé, et donc sur les négociations conventionnelles avec les syndicats représentatifs. Mon expérience professionnelle m’a amenée à m’adapter, à travailler avec différents métiers, différents profils, en transversalité, aussi parce que dans le cadres de la préparation des négociations et ensuite dans la mise en oeuvre des accords, on travaille avec énormément de métiers au sein de l’assurance maladie. C’est de la statistique, la prévention, la gestion du risque, les systèmes d’information, etc. On est amené à travailler avec beaucoup de monde et de profils différents. Cet aspect un peu transverse et multi partenaires en interne comme en externe, m’a bien préparée à ce poste. Sur l’aspect transition écologique, ce sont plus des convictions personnelles qui m’ont amené à porter ces sujets au sein de la direction et ensuite à rédiger la partie dédiée de la convention d’objectifs et de gestion, en collaboration avec Carole Grard, directrice de la CPAM Lille-Douai. C’est évidemment une expérience qui me sert aujourd’hui dans la construction de cette mission.

 

Avez-vous un message à transmettre ou un mot à ajouter ?

Claire Traon : Le message principal, c’est vraiment que ce sont des enjeux qui doivent embarquer et mobiliser toute la branche, quel que soit le métier, à des degrés divers, mais aussi avec des actions diverses. Cela concerne tout le monde. C’est pour cela aussi que 2 missions transverses ont été créées. L’objectif, ce n’est pas que les enjeux écologiques soient uniquement les enjeux de ma mission, mais que ce soit intégré aux missions de chaque collaborateur.