3 avril 2025
Témoignage de Maëlig Le Bayon, nouveau directeur de la CNSA
Pour l’EN3S, Maëlig Le Bayon, nouveau directeur de la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie), revient sur les grands enjeux de cet établissement créé par la loi du 30 juin 2004.
Vous avez pris la direction de la CNSA en 2024. Pouvez-vous nous présenter votre parcours et vos missions antérieures ?
Je suis un profil atypique ! J’ai fait Sciences Po Rennes, parcours administration publique, avant de rejoindre les IRA. J’avais une prévalence plutôt marquée pour l’État, tout en étant sensible aux questions économiques et sociales. Ensuite, j’ai choisi de travailler au ministère du Travail (DIRECCTE) en tant que responsable régional des politiques d’emploi. En 2016, j’ai intégré l’ENA avec une année de formation à Strasbourg et une année de stages (notamment à la représentation de la France auprès de l’ONU à Vienne, au port de Nantes et en préfecture). J’ai beaucoup apprécié être là où les décisions se prennent, aux côtés des décideurs, des préfets, etc. Tout est complémentaire, un peu comme ce que vivent les étudiants de l’EN3S. À la sortie de l’ENA, j’avais trois choix : l’international, le social et le budgétaire.
Une ambassadrice m’a proposé de la rejoindre au ministère des Armées à la direction financière, sur des sujets très intéressants, notamment la partie managériale (capacité à construire un groupe et à le faire vivre), aux côtés de militaires de terrain ayant une vision très particulière de la cohésion d’équipe. Ce fut un véritable défi et une réussite collective, notamment dans la gestion de crise pendant la Covid-19 !
J’ai rejoint le secteur médico-social en 2021 en intégrant le cabinet de Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées. D’abord en tant que conseiller budgétaire chargé de la branche autonomie, puis comme directeur adjoint de cabinet. Le domaine du handicap et de l’autonomie relève de véritables enjeux sociétaux et de protection sociale. Je m’occupais alors des MDPH, des différentes allocations versées aux prestataires, de l’accès aux droits et de la négociation de la loi de financement de la Sécurité sociale : autant de chantiers qui sont aujourd’hui au cœur de mes nouvelles fonctions.
Par la suite, j’ai rejoint le cabinet ministériel de Geneviève Darrieussecq, alors ministre déléguée, et mon périmètre d’action s’est élargi aux personnes âgées en janvier 2024, jusqu’au vote de la loi « Bien vieillir » et la dissolution de l’Assemblée nationale.
Quels enseignements avez-vous tirés de votre expérience dans le domaine du grand âge ? Retrouvez-vous des similitudes entre vos différents postes ?
Lors de mes missions précédentes, j’ai travaillé sur la question du vieillissement et de la cohésion sociale (DGCS). Entre le handicap et l’autonomie, de nombreux sujets sont communs, notamment la prévention de la perte d’autonomie, les allocations et les professionnels qui travaillent auprès de ces publics.
Nous avons créé cette cinquième branche sur l’autonomie qui, elle, ne segmente pas les publics. Il était donc cohérent d’avoir un ministre chargé de chapeauter ce périmètre, y compris sur des sujets nécessitant un décloisonnement des approches pour les personnes handicapées vieillissantes (comme la fusion des MDPH et de certains services de l’autonomie, par exemple).
En 2022, l’État et la CNSA ont signé une convention d’objectifs et de gestion (COG) pour la période 2022-2026. Pouvez-vous revenir sur l’histoire de cette Caisse, son fonctionnement et les principes qui la régissent ?
La canicule de 2003 a marqué le début de la prise de décisions majeures pour mieux financer l’autonomie en France. Une loi a donc été votée en 2004 pour créer la CNSA.
Son objectif ? Garantir l’autonomie des personnes en situation de handicap tout au long de leur vie. Cela passe à la fois par le financement des professionnels (dans les établissements, les services, y compris à domicile et en Ehpad) et par l’accompagnement des départements, qui sont en première ligne. Nous finançons les dispositifs par le biais des ARS ou des départements, selon les types de structures, avec des crédits issus de la CNSA.
Nous travaillons également sur l’amélioration de la qualité de l’accompagnement, l’évolution de l’offre de services en fonction des nouveaux besoins de cette population et la construction d’une approche territoriale. Nous avons un rôle d’agence au service des territoires, afin de les aider à établir des diagnostics de besoins et améliorer le service public de manière générale.
Depuis 2024, nous déployons cette « marque nouvelle », qui se décline dans chaque département en Service public départemental de l’autonomie, réunissant l’ensemble des acteurs au service des personnes en situation de handicap, de l’information jusqu’à l’accompagnement vers les solutions adaptées.
La création de cette nouvelle branche en 2021 est un chantier structurel qui a permis de transformer un établissement en véritable branche de la Sécurité sociale.
Quelle est votre feuille de route ? Quels sont vos leviers d’action et la composition de vos équipes ?
Ma feuille de route est définie par la COG. Elle encadre la transformation de la CNSA en Caisse de Sécurité sociale et tous les ajustements nécessaires en matière de gestion des risques, de contrôle, de certification des comptes avec la Cour des comptes, etc. Un chantier majeur concerne les systèmes d’information, qui touchent à de nombreuses compétences et nécessitent des liens renforcés avec les autres grandes caisses de Sécurité sociale (CAF, CPAM, CNAV…).
Le Service public départemental de l’autonomie, voté dans la loi « Bien vieillir » de 2024, permet aussi de structurer la coopération territoriale entre les différents acteurs de la branche.
Enfin, nous travaillons sur la simplification et l’accélération de l’accès aux droits, tout en veillant à une répartition équitable des financements selon les territoires.
Nous sommes une équipe de 210 personnes, dont 80 ont rejoint la CNSA lors de la création de la nouvelle branche. Nous gérons une multiplicité de partenariats, notamment avec les ARS et les départements, dans une logique de coopération bilatérale.
À quels défis majeurs doit faire face la CNSA pour répondre aux enjeux de demain ?
Le vieillissement de la population va s’accentuer jusqu’en 2050, avec l’augmentation du nombre de personnes de 75 ans et plus. Aujourd’hui, 7 millions de personnes ont 75 ans et plus, soit plus de 10 % de la population française. Elles constituent le groupe le plus exposé au risque de perte d’autonomie.
Nous devons anticiper le virage démographique à venir dans les années 2030, en restant au plus près des Français en perte d’autonomie. Ils seront de plus en plus nombreux : sera-t-il possible de les maintenir à domicile, compte tenu de la diminution du nombre d’aidants ?
En 2025, nous avons choisi de structurer notre réflexion sur l’habitat intermédiaire. Comment faire en sorte que les différents modes d’habitat s’articulent entre le domicile et l’Ehpad ? Il faut explorer des alternatives comme l’accueil familial, la colocation, les appartements avec services, ou encore les résidences autonomie.
Un autre enjeu majeur concerne l’attractivité des métiers de l’aide à la personne, qui connaissent une crise importante. Revaloriser ces professions est essentiel au bon fonctionnement du système.
Un mot pour conclure ?
La CNSA s’intègre pleinement à la famille de la Sécurité sociale. Nous recrutons de plus en plus d’agents issus des caisses de Sécurité sociale et nous comptons sur leur expertise pour créer des synergies avec les différentes branches. Les élèves de l’EN3S sont les bienvenus, car nous touchons à toutes les branches à travers le handicap et la prévention de l’autonomie (CNAV, CAF, CPAM…). De beaux chantiers transversaux nous attendent !
Pour aller plus loin
L’EN3S propose la formation « Les grands enjeux de la branche autonomie » pour approfondir la compréhension des défis et perspectives de ce secteur.