30 novembre 2022

Matthieu Arzel (49e promotion) : j’ai mis en place un projet de co-construction des services avec les usagers (Caf)


Matthieu Arzel est ancien élève de la 49e promotion de la formation « dirigeant d’un organisme de protection sociale« . Il est actuellement directeur du département maîtrise des risques, lutte contre la fraude et pilotage des outils contentieux à la Cnaf.
Il a occupé précédemment le poste de directeur de la relation de service de la Caf du Gard, un organisme mène des actions de co-construction des services avec les usagers. Cette dimension participative se développe de plus en plus au sein des services publics, il nous présente la démarche et ses impacts.

La branche famille de la Sécurité sociale a engagé une démarche de co-construction de ses services en lien direct avec les usagers. Pourriez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

Cette démarche a été initiée en 2014, dans un contexte où la branche Famille souhaitait développer, moderniser et personnaliser son offre de service, dans un contexte de la montée en charge du site Caf.fr. Il s’agissait, d’une part, de mettre à disposition une information compréhensible et accessible sur l’offre de service Caf et, d’autre part, de développer la co-conception et l’évaluation avec les usagers et les partenaires.
Les enjeux en termes de relation de service sont considérables. A titre d’exemple, le Caf.fr est aujourd’hui le premier canal de contact des allocataires avec 590 millions de visites en 2017, le 43ème site le plus consulté en France et le deuxième de la sphère publique.

Le postulat de départ est simple : une offre de service, qu’il s’agisse d’un nouvel outil, d’un service en ligne ou encore d’un parcours allocataire, sera d’autant mieux comprise, utilisée et efficace si elle a été pensée avec ses futurs bénéficiaires.

L’un des grands intérêts de cette démarche est que le champ des bénéficiaires se développe. Si l’écoute usagers concerne naturellement et prioritairement nos allocataires, elle s’étend aujourd’hui aux partenaires et, en interne, à nos agents.

La co-construction des services avec les usagers repose sur une méthodologie spécifique reposant sur des protocoles de test et des méthodes d’animation dédiées.
Concrètement, il peut s’agir d’organiser des focus groupes avec nos partenaires, de réaliser des enquêtes qualitatives dans nos accueils, de dispenser des questionnaires ou encore de réaliser des ateliers de créativité avec nos agents.

Quels services ou actions avez-vous construit avec les usagers au sein de la Caf du Gard ? Quels bilans en tirez-vous ?

Les exemples sont nombreux et peuvent concerner des nouvelles fonctionnalités du caf.fr, la mise en œuvre d’une nouvelle réforme, etc.

Nous avons travaillé sur une campagne de communication axée sur la politique de contrôle de la branche famille. Il s’agissait de recueillir l’avis des allocataires sur cette campagne : est-ce que le message diffusé est clair ? Est-il compris ? A-t il un impact sur les comportements des allocataires ? Les retours des allocataires nous ont permis de valider un certain nombre d’éléments (le message était compris, la forme de la campagne était appréciée). Nous avons également pris en compte les suggestions du terrain en développant une communication plus préventive en insistant sur l’importance de déclarer ses changements de situation à la Caf pour éviter des indus.

Les retours que nous en retirons de la co-construction des services sont multiples. D’abord, un sentiment d’utilité car nous contribuons à l’amélioration des services développés dans le réseau. Ensuite, cela nous permet de mieux connaître nos allocataires et leurs besoins. Enfin, cela nous a permit en interne de disposer d’une avance sur les projets à déployer dans le réseau afin de nous y préparer efficacement.

Le dispositif déployé au sein de la Caf du Gard entre dans le cadre d’un dispositif plus large, développé au niveau national par la Cnaf. Comment se déroule ces travaux entre le local et le national ? Quelles ont été les retombées pour l’ensemble du réseau des Caf ?

L’articulation entre l’échelon national et local repose sur une répartition complémentaire des rôles.

Le dispositif est piloté nationalement à la Cnaf dans une logique de coopération entre les différentes directions impliquées dans ce projet (Centre national d’appui aux métiers, CafLab et Direction des Statistiques, des Etudes et de la Recherche).

En fonction de la commande nationale (exemples : une nouvelle demande de prestations en ligne, une nouvelle rubrique sur le site caf.fr, une campagne de communication, etc.), les agents de la Caf du Gard vont conduire des tests mobilisant soit des allocataires, des partenaires ou des agents Caf. Nous adoptons notre intervention en fonction de la nature de la demande et du service à expérimenter : il peut s’agir de réaliser des tests auprès des allocataires présents à l’accueil, de mobiliser nos partenaires (centres sociaux, MSAP, etc) pour mener des focus groupes avec le public qu’ils accueillent ou encore de mobiliser des agents en interne pour qu’ils réfléchissent à l’amélioration de leur outil de travail.

Les équipes d’agents en charge de l’écoute usager sont tous issus des métiers de la relation de service (Gestionnaire Conseil Allocataire, Conseiller de Service à l’Usager) et formés sur la démarche d’écoute usagers. Il s’agit de réaliser, au plus près du terrain, la co-construction des services avec nos usagers.

Le matériau récolté lors de l’étape de co-construction est consolidé sous la forme d’un rapport d’analyse qui intègre des préconisations pour une amélioration des services.
Ces documents sont adressés à la Cnaf et permettent à la fois d’avoir une meilleure perception de ce que les utilisateurs pensent de nos services, mais aussi de les faire évoluer.

La co-construction des services avec les usagers se développe de plus en plus dans les services publics. Est-ce pour vous un axe qui va se renforcer de plus en plus pour la Sécurité sociale de demain ? Comment envisagez-vous le futur de la relation de service public avec les usagers ?

Il s’agit effectivement d’une tendance de fond et qui s’accélère pour au moins deux raisons.

D’une part, afin de garantir un accès effectif aux droits. La mission fondamentale des organismes de Sécurité sociale est de verser rapidement et à bon droit des prestations. Cette mission n’est remplie que si les potentiels bénéficiaires de nos services y ont effectivement recours.

Travailler l’accès aux droits, cela peut consister à repenser notre communication écrite avec nos usagers, en simplifiant les écrits et en abolissant le jargon administratif. Le retour de nos usagers est précieux car ils peuvent nous indiquer immédiatement si un courrier est clair ou si un formulaire de demande de prestation est compréhensible.

Le développement des demandes de prestation en ligne, si elles sont simples, compréhensibles et ergonomiques, est également un formidable vecteur d’accès aux droits. A ce titre, la prime d’activité est une réussite. Il s’agit de la première prestation 100 % dématérialisée déployée par la branche famille. Le RSA activité souffrait d’un taux de non recours très important, près de 80%. Ce rapport s’est inversé avec la prime d’activité. On estime que cette prestation est aujourd’hui demandée par 80% de ses potentiels bénéficiaires.

C’est en intégrant systématiquement les besoins des usagers dans toutes les phases de déploiement d’un nouveau service (cahier des charges, développement, déploiement du service et évaluation) que l’on s’assurera d’un accès aux droits effectif.

D’autre part, car les besoins des utilisateurs évoluent vite. Il est important de maintenir une veille sur les besoins de nos publics pour mieux y répondre. L’évolution des usages numériques de nos allocataires est à ce titre très instructive.

Depuis environ 10 ans, la branche famille a développé les services en ligne sur le site Caf.fr, accessibles depuis un ordinateur. Avec la démocratisation des tablettes, et surtout des smartphones, les pratiques de nos allocataires ont évolué. Les accès au Caf.fr se font de plus en plus via un terminal nomade. Aujourd’hui, 2/3 des connexions sur le Caf.fr sont réalisées depuis un mobile.

Par ailleurs, l’application smartphone « Caf – Mon Compte » a connu un succès très rapide : depuis janvier 2018, les allocataires accèdent plus à leur compte Caf depuis l’application mobile que depuis le site web.

Si les usages de nos allocataires évoluent, nous nous adaptons en priorisant désormais le développement de l’offre mobile, avant l’offre sur ordinateur.

L’analyse des comportements des usagers est également riche d’enseignement. Les allocataires utilisateurs de l’appli en ont un usage particulièrement soutenu : en moyenne 6 fois par mois contre 3 fois pour le caf.fr. Nous prenons en compte cette réalité en développant les services qui sont le plus demandés, notamment en nous inspirant des commentaires laissés par les utilisateurs sur les plateformes de téléchargement.

En conclusion, l’écoute et la co-conception des services supposent de penser nos relations avec les usagers autour d’un principe de confiance. Cela passe évidemment par la prise en compte de leurs besoins mais aussi par une forme de bienveillance dans les rapports que nous entretenons avec eux.

Les usagers demandent de la simplicité et une grande réactivité de la part des services publics. Le développement du numérique peut permettre de répondre en partie à ces enjeux.

Il convient toutefois d’être toujours vigilant à ne pas exclure les publics les plus fragiles : cela passe par le développement des politiques d’inclusion numérique sans oublier le maintien d’un contact humain et de proximité.

Sa photo symbole de la démarche de co-construction dans la branche Famille

Cette photo illustre bien pour moi la méthodologie mise en œuvre dans le cadre de la démarche d’écoute usagers. Il s’agit d’exploiter les retours des utilisateurs pour adapter notre offre de service, qu’elle soit dématérialisée (smartphone, pc) ou papier.

 

 

Sa bio

Parcours universitaire
  • 2010-2011 : Formation dirigeant d’un organisme de protection sociale, EN3S (49ème promotion)
  • 2009 : Master 2 cadre du secteur sanitaire et sociale et préparation aux concours administratifs, Université de Pau et des Pays de L’Adour
Parcours pro
  • 2011-2014 : Responsable prestations à la Caf du Pays Basque et du Seignanx
  • 2014-2015 : Sous Directeur prestations et informatique à la Caf du Pays Basque et du Seignanx
  • 2015-2017 : Sous Directeur ressources à la Caf du Pays Basque et du Seignanx et à la Caf de Béarn et Soule
  • 2017-2020 : Directeur de la relation de service à la Caf du Gard
  • 2020 : Directeur du département maîtrise des risques, lutte contre la fraude et pilotage des outils contentieux à la Cnaf